Dans le n°144 (mars – avril 2021), Frédéric Potier et Jérôme Picard nous présentent les « Tétras rosés ». Mais au fait… qu’est-ce qu’un tétra ?
On aura remarqué, en visitant un magasin aquariophile, qu’un nombre important d’espèces de poissons d’eau douce sont baptisées « tétra », souvent suivi d’un suffixe sur leur couleur ou une caractéristique propre. C’est par exemple le cas du tétra noir ou « veuve noire », en raison de la livrée foncée évoquant bien sûr une robe de deuil. On peut aussi mentionner le tétra citron, à la couleur légèrement jaunâtre, ou encore le tétra du Congo qui provient de ce célèbre bassin hydrographique. Parmi les petits derniers, il y a le tétra d’Amanda (et non « tétra amande », puisque son nom scientifique, Hyphessobrycon amandae, est en l’honneur d’Amanda Bleher, la mère du célèbre explorateur Heiko Bleher, qui fut LA pionnière dans l’exportation de plantes aquatiques sud-américaines).
Concernant les espèces de tétras rosés présentes dans l’article en question, on se doit évidemment de citer le tétra cœur-saignant (Hyphessobrycon erythrostigma).
Hyphessobrycon amandae
Mais pourquoi donc un tétra ?
Le suspense a assez duré et la raison en est très simple : il s’agit de l’abréviation du nom de genre Tetragonopterus (« nageoire à quatre angles »), sous lequel furent initialement placées diverses espèces de Characidés. Ainsi, le tétra noir précédemment mentionné fut-il décrit à l’origine sous l’appellation Tetragonopterus ternetzi par G. A. Boulenger en 1895. Il sera plus tard rangé dans le taxon Gymnocorymbus, créé par Eigenmann en 1908.
D’autres Tetragonopterus spp. seront d’ailleurs ultérieurement redistribués dans les genres Moenkhausia ou encore Astyanax.
Mais entre-temps, on aura pris l’habitude de désigner de nombreux Characiformes sous le nom de « tétra », si facile à prononcer.
Des poissons très différents
On présente souvent les tétras comme étant des Characidés. Hors, il ne s’agit ici que d’une seule famille parmi les 24 valides que compte actuellement l’ordre des Characiformes !
Le cas le plus typique est sans doute celui du tétra du Congo (Phenacogrammus interruptus). Les ex Characidés africains ont depuis longtemps été rangés dans une autre famille : les Alestidés, à laquelle appartient ce poisson. Il s’agit donc un tétra qui n’est pas un Characidé, mais un Alestidé.
Autre exemple bien connu : le tétra arroseur, Copella arnoldi. Ce Characiforme sud-américain est membre de la famille des Lebiasinidés, comme l’ensemble des poissons-crayons (Nannostomus). Là encore, il ne s’agit pas d’un Characidé.
Est-ce bien important ?
Ces considérations taxonomiques peuvent paraître loin des soucis des amateurs. Et puis après tout, le terme « tétra » n’est qu’une appellation commune, au sens très large, qui peut sembler sans importance. Cependant, on a souvent l’habitude, voire le réflexe d’associer le comportement ou la maintenance d’une espèce connue (ici, en l’occurrence, un tétra) à une autre qui porterait un nom similaire.
Ainsi, réflexion typique de bien des aquariophiles (incluant l’auteur de ces lignes qui fait donc son mea culpa) : « Tiens, c’est un tétra – à décliner avec bien d’autres noms communs – donc forcément il aura tel caractère et telles exigences pour la maintenance… ». Et bien sûr, il y aura toujours un tétra pour prouver qu’on avait tort !
Voilà pourquoi, avant de craquer pour n’importe quelle espèce de tétra (ou autre) qu’on découvrirait pour la première fois en magasin, il est impératif de bien se renseigner sur ses exigences. Même si son allure ou son nom pourrait nous laisser imaginer qu’elle devrait être similaire à un autre tétra au sens large, que l’on connaît déjà.
Pour en savoir plus sur les tétras rosés :
https://www.aquariumalamaison.com/le-magazine/381-aquarium-a-la-maison-n-144-mars-avril-2021.html